Indépendance connectée : rééquilibrer les ressources et les chaînes d’approvisionnement pour une plus grande résilience
Comment pouvons-nous équilibrer les chaînes d’approvisionnement et les ressources finies afin de réduire les effets du prochain grand choc sur nos systèmes énergétiques?
La crise énergétique mondiale et la ruée vers l’approvisionnement
La crise de l’énergie force les pays et les industries à se ruer vers les sources d’approvisionnement. La relance économique après la pandémie de COVID-19 a augmenté la demande énergétique, les tendances météorologiques variées (particulièrement celles causant des catastrophes naturelles) continuent de nuire aux chaînes d’approvisionnement et les tensions géopolitiques ont forcé certains pays à aller ailleurs pour trouver d’autres sources d’énergie, particulièrement comme substitut pour le gaz naturel russe en Europe. En fait, en 2022, l’Union européenne a été témoin d’une baisse importante de la demande en gaz naturel (une baisse de 13 pour cent), équivalant à fournir de l’énergie à plus de 40 millions de foyers, indique un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Tous ces facteurs ont influencé la hausse des prix du pétrole brut et du charbon. Le prix du pétrole a connu une augmentation aussi importante que 120 $ US le baril durant le premier semestre de 2022. En septembre de la même année, le prix du charbon de Newcastle Coal a atteint 457,80 $ US la tonne.
La crise énergétique en cours souligne le besoin d’accélérer la production d’un mélange d’énergies renouvelables et faibles en carbone afin de compenser une dépendance continue (mais avec un approvisionnement de plus en plus imprévisible) aux sources énergétiques conventionnelles. Cependant, cette transition est remplie de défis et de complications. En plus des risques financiers, les problèmes de la chaîne d’approvisionnement et la pénurie de ressources – matériaux, minéraux essentiels et main-d’œuvre – affectent la transition énergétique. ONDE DE CHOC, une des plus vastes études en son genre, explore l’équilibre (et le rééquilibre) fragile entre les chaînes d’approvisionnement et les ressources finies nécessaires pour permettre la transition énergétique et garder le cap vers un avenir carboneutre dans une période de grande incertitude.
Des filières énergétiques connectées, sans être dépendantes
Selon les chefs de file en énergie qui ont participé à ONDE DE CHOC, la quantité moyenne de réserves en énergie conservées par leurs entreprises est équivalente à seulement 70 jours d’approvisionnement. Une proportion de 8 pour cent des répondants ont dit qu’ils n’avaient que 11 à 20 jours d’approvisionnement, alors que 60 pour cent d’entre eux ont affirmé avoir moins de 60 jours de réserves. Très peu de répondants ont indiqué avoir jusqu’à 6 mois de réserves au cas où ils se retrouvaient privés des sources d’énergie étrangères.
Dans ce contexte, les répercussions négatives d’une dépendance trop importante aux sources d’énergie étrangères doivent inciter les pays à créer des filières énergétiques résilientes et localisées et à y investir. Cette réalité est appuyée par le fait que 74 pour cent des chefs de file énergétiques questionnés par ONDE DE CHOC croient que les tensions géopolitiques réduisent la sécurité énergétique dans leur pays. De plus, 66 pour cent ont dit être déjà en route vers la transition énergétique en accélérant les investissements dans les énergies renouvelables. En effet, 82 pour cent des répondants ont dit que leurs investissements continuaient de s’accélérer dans le domaine des sources d’énergie renouvelable, malgré le choc énergétique et les inquiétudes à propos des tendances météorologiques variables qui influencent la production d’énergies renouvelables.
Parallèlement, les tensions géopolitiques ont poussé certains pays à augmenter temporairement leur dépendance aux combustibles fossiles. Par exemple, l’Allemagne a ralenti ses investissements dans les sources d’énergies renouvelables et est retournée à la combustion au charbon alors que sa crise énergétique s’intensifie, en plus d’avoir indiqué un objectif d’accélérer son échéancier pour atteindre la carboneutralité. Cette apparente contradiction souligne le besoin de maintenir une certaine forme de source d’énergie traditionnelle tout en effectuant une transition durable vers des options plus faibles en carbone. Ceci est appuyé par le scénario de développement durable de l’AIE, qui suggère que les pays doivent avoir des solutions énergétiques multifacettes avant de transitionner vers des filières énergétiques sans carbone. Cette approche peut signifier une diversification des sources d’énergie, des routes commerciales et des fournisseurs.
Une connectivité améliorée pour mobiliser les minéraux et matériaux essentiels
La transition vers l’énergie renouvelable nécessitera aussi une grande quantité de plusieurs matériaux essentiels. Les terres rares, par exemple, sont importantes pour produire des aimants permanents utilisés pour les véhicules électriques et les éoliennes. Les électrolyseurs à hydrogène et l’éclairage fluorescent écoénergétique dépendent aussi des terres rares dans leurs composantes. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une terre rare, le cuivre est aussi crucial pour la transition. Son efficacité comme conducteur le rend très utile pour la création de technologies et d’infrastructures de transmission d’énergies renouvelables, en particulier.
Cependant, certains minéraux et matériaux essentiels sont concentrés dans quelques pays seulement, ce qui peut mener à de la compétition entre les nations et causer des tensions géopolitiques qui nuisent à la transition énergétique. Parmi les chefs de file énergétiques questionnés, 72 pour cent des croient qu’augmenter les interconnexions entre les pays et les régions pour renforcer ce transfert de ressources vitales (en plus de produire de l’énergie renouvelable localement) peut améliorer efficacement la sécurité énergétique.
Bâtir une chaîne d’approvisionnement locale de terres rares et d’autres matériaux essentiels aide à réduire la dépendance aux ressources étrangères. Cependant, une augmentation des investissements (que ce soit par des subventions gouvernementales ou des incitatifs de l’industrie) dans la recherche et le développement est nécessaire pour perfectionner et commercialiser les technologies requises pour la production, le retraitement et le recyclage des terres rares. Il est aussi crucial d’identifier les obstacles et les inefficacités dans la chaîne d’approvisionnement des matériaux essentiels. Comme toujours, expliquer aux parties prenantes que la transition énergétique a quand même besoin de terres rares par l’exploitation minière est un élément clé dans l’accélération de la transition.
Une main-d’œuvre compétente : un catalyseur de plus en plus important
Le manque de main-d’œuvre compétente n’est pas responsable de la crise énergétique, mais de nouvelles compétences sont nécessaires pour la transition vers l’énergie faible en carbone. Ces efforts nécessitent l’engagement de nos meilleurs ingénieurs et ingénieures, innovateurs et innovatrices, planificateurs et planificatrices, scientifiques et technologues pour atteindre la carboneutralité, et même des émissions nettes négatives. Cependant, sept des dix chefs de file énergétiques questionnés pour ONDE DE CHOC ont dit que l’industrie manque des compétences et de l’expertise nécessaires à la transition énergétique. Un bon exemple : en 2021, le recensement d’emploi de l’Interstate Renewable Energy Council a indiqué que 89 pour cent des firmes d’énergie solaire aux États-Unis avaient du mal à embaucher des techniciens et techniciennes d’installation qualifiés.
Reformer ou perfectionner les travailleurs et travailleuses est une stratégie possible pour gérer ce défi. Dans la transition des combustibles fossiles, les décideurs et décideuses politiques craignent les pertes d’emploi et leur effet sur les communautés et l’économie. Cependant, il existe des possibilités de compenser ces pertes avec des emplois dans le secteur de l’énergie renouvelable. Les compétences transférables, surtout celles qui impliquent la construction, les finances, la gestion de projets, l’exploitation et l’ingénierie, permettent aux professionnels et professionnelles de passer du secteur de l’énergie traditionnelle vers celui de l’énergie faible en carbone. Pour simplifier ce processus, il faudra créer un réseau reliant les employeurs, les futurs employés et employées et les formateurs et formatrices.
Investir dans les innovations à énergie propre pour produire des emplois dans le secteur de l’énergie renouvelable est un autre levier à actionner. L’Organisation internationale du travail (OIT) a indiqué l’an dernier que l’industrie de l’énergie renouvelable avait atteint 12,7 millions d’emplois en 2021, le secteur de l’énergie solaire représentant celui à la croissance la plus rapide. L’OIT a identifié la Chine comme chef de file dans la fabrication et l’installation de panneaux solaires photovoltaïques, et le pays a également connu une croissance dans ses nombres d’emplois pour les éoliennes en mer. Pendant ce temps, les pays d’Asie du Sud-Est s’imposent de plus en plus comme producteurs de biocarburant et comme pôles de fabrication photovoltaïque.
Des filières énergétiques et chaînes d’approvisionnement résilientes pour surmonter les déséquilibres
Pour faire preuve de plus de résilience face aux futurs chocs potentiellement débilitants, les marchés mondiaux, les gouvernements et les entreprises ont besoin d’obtenir les chaînes d’approvisionnement et les ressources nécessaires pour diriger la création, l’exploitation et l’entretien des filières énergétiques faibles en carbone. Cela signifie de bâtir une main-d’œuvre bien soutenue et talentueuse, assurant ainsi l’abondance et l’accessibilité des matériaux et des minéraux essentiels aux technologies et infrastructures des énergies renouvelables, et établissant des filières énergétiques localisées qui sont connectées, sans être dépendantes des sources d’énergie au-delà des frontières internationales. Il s’agit bien sûr d’une transition énergétique, mais la transition est aussi humaine.
La forte accélération de l’adoption de l’énergie renouvelable sera un conducteur fondamental de la transition énergétique, mais pour encourager cette croissance, il faut d’abord créer un secteur énergétique plus robuste et diversifié. C’est un défi complexe et multidimensionnel, mais avec la bonne combinaison d’interventions stratégiques et de collaboration dans l’ensemble du secteur, les problèmes au niveau de la chaîne d’approvisionnement et des ressources finies sont une barrière au progrès de la transition énergétique qui pourra être surmontée.
Pour faire preuve de plus de résilience face aux futurs chocs potentiellement débilitants, les marchés mondiaux, les gouvernements et les entreprises ont besoin d’obtenir les chaînes d’approvisionnement et les ressources nécessaires pour diriger la création, l’exploitation et l’entretien des filières énergétiques faibles en carbone.