Obtenir l’acceptation sociale nécessaire à la réussite
L’opposition de la communauté a été pointée du doigt comme l’un des plus grands obstacles à la transition énergétique. Comment parvenir à l’acceptation sociale nécessaire pour atténuer ce risque?
De la résistance à la réalité
Pour soutenir une démarche crédible visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, la production d’énergie renouvelable doit tripler d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2022 (Source : AIE). L’espoir de réaliser cette grande ambition repose sur notre capacité à planifier, financer, approuver et bâtir rapidement une immense réserve de nouveaux projets énergétiques. L’envergure et le rythme de construction des infrastructures nécessaires auront sans aucun doute des répercussions sur les communautés, en particulier dans les régions et les zones rurales, où la grande majorité des nouveaux projets de production et de stockage seront situés. D’énormes réseaux de transmission et de distribution améliorés et élargis seront aussi nécessaires, et ils devront traverser des communautés aux quatre coins du monde.
Cet impact disproportionné hors des centres urbains commence déjà à avoir des effets directs sur les villes régionales et rurales, y compris sur les communautés agricoles et autochtones, ce qui entraîne des conflits entre les parties, des négociations coûteuses et des progrès douloureusement lents. En effet, ONDE DE CHOC, l’une des plus grandes études jamais effectuées auprès de chefs de file du secteur mondial de l’énergie, révèle que 70 % des répondants et répondantes sont en accord avec l’affirmation suivante : « l’opposition des communautés est l’un des principaux obstacles à l’approbation des nouveaux projets d’énergie propre ». Les résultats démontrent que la façon dont la communauté perçoit ces projets – que ce soit positivement ou négativement – peut grandement influencer les progrès vers un avenir carboneutre. Notre manière d’aborder l’engagement et l’éducation des communautés sera donc cruciale pour calmer l’opposition et obtenir le soutien nécessaire à la transition énergétique.
Démystifier la transition pour en atténuer les risques
Les trois quarts (74 %) des dirigeants et dirigeantes du secteur de l’énergie qui ont participé à ONDE DE CHOC croient qu’il y a une amélioration à faire au niveau de l’éducation communautaire sur la nécessité de la transition. Autrement dit, il n’est pas et ne sera pas possible d’atteindre la carboneutralité sans une participation et un engagement profonds des communautés. C’est pourquoi nous devons avoir des conversations authentiques et honnêtes avec le public sur le coût de la transition énergétique et les compromis qui seront nécessaires pour bâtir des systèmes plus résilients, capables de résister aux chocs futurs tout en offrant les avantages durables de la décarbonisation. Il faudra un effort concerté et multifacette pour aider les gens et les communautés à comprendre l’énormité du programme d’infrastructures nécessaire si nous voulons éviter et atténuer les pires effets des changements climatiques.
Un engagement communautaire réussi commence par une sensibilisation et une compréhension générales; des programmes d’éducation transparents et fondés sur des faits seront donc essentiels. Malheureusement, beaucoup de gens et de communautés sont parfois sceptiques quant aux avantages annoncés par les projets d’infrastructure, ayant déjà vécu des situations où des promesses n’ont pas été tenues. Nous devons tirer les leçons des erreurs du passé, comprendre que les approches précédentes auprès de la communauté ont suscité la méfiance, et rétablir les liens grâce à une communication authentique avec les personnes concernées. Plus tôt les investisseurs, les promoteurs et les gouvernements consulteront les communautés au fil de conversations pragmatiques, impartiales et apolitiques sur les perturbations potentielles et les répercussions attendues des projets énergétiques, plus tôt nous pourrons progresser vers un dialogue éclairé. Cette discussion doit s’assortir des nombreux avantages de ces projets énergétiques, comme la création d’emplois, l’investissement local et l’approvisionnement en énergie plus propre.
Les programmes de sensibilisation doivent aussi s’appuyer sur les données scientifiques les plus récentes, se dérouler à long terme et être largement diffusés – dans tous les types de communautés et auprès de toutes les générations (y compris dans les écoles) – et passer par divers médias de masse, y compris le cinéma, la télévision et la myriade de plateformes de médias sociaux disponibles. Il ne suffira pas de passer au journal télévisé du soir : la conversation doit s’infiltrer dans toutes les formes d’art et de culture populaire, de la musique au cinéma.
Au bout du compte, c’est le public qui portera le fardeau immédiat de la transition énergétique, qu’il s’agisse de la volatilité des prix ou de la perturbation des communautés, et c’est aussi lui qui en verra les avantages à long terme. Pour obtenir son appui, il est donc urgent d’entreprendre une vaste campagne de sensibilisation et de compréhension des sacrifices à court terme – mais aussi des gains à long terme – que représente la transition vers un système énergétique à faibles émissions de carbone.
Une voix cohérente et unie
En plus d’investir massivement dans l’éducation de la communauté pour démystifier la transition, nous devons parler d’une seule voix cohérente, unifiée et digne de confiance. Les leaders d’opinion et les institutions qui font autorité doivent passer à l’action; tous les paliers de gouvernements et tous les organismes mondiaux ont un rôle à jouer. Il incombe aussi aux organisations centrales, comme les Nations unies, d’aborder les enjeux pratiques et communautaires liés à la transition – ce qu’elle coûtera et les avantages qu’elle procurera – en plus de l’action mondiale et intergouvernementale déjà préconisée. Cela contribuerait à mieux sensibiliser le public, qui comprendrait à la fois les défis et la valeur du travail accompli.
La portée et la crédibilité de ces organisations de haut niveau devraient être complétées par des voix locales en qui les gens ont confiance, c’est-à-dire des leaders et des défenseurs de la communauté, qui voient les défis et les possibilités de la transition énergétique selon une perspective cohérente, mais nuancée. L’unité du discours mondial, tout en laissant une place à la pertinence régionale, aidera les gens à se sentir liés à la transition énergétique et suscitera la compréhension et le changement des mentalités nécessaires pour accepter et appuyer ce qui est à venir.
S’impliquer de manière authentique pour mieux comprendre
Les entreprises du secteur de l’énergie sont bien conscientes de leur obligation à s’engager auprès des communautés. Toutefois, une consultation minimale ou obligatoire des communautés ne suffira pas à susciter le véritable soutien communautaire nécessaire à une transition rapide. L’opposition aux projets, qui entraîne des retards ou des annulations, est souvent due au fait que les communautés ne se sentent pas respectées ou entendues. Les entreprises énergétiques doivent prendre le temps non seulement de rencontrer les communautés et d’écouter leurs préoccupations, mais aussi d’adopter une démarche collaborative en élaborant des solutions en collaboration avec celles-ci. En prenant le temps de comprendre et de reconnaître l’expérience vécue par les personnes vivant au sein d’une communauté, on peut aussi assurer que les infrastructures énergétiques qui en résulteront seront plus équitables, accessibles et adaptées à l’objectif visé.
Il est également essentiel d’établir un dialogue incluant des voix diverses. En faisant cela dès le départ et avec les bonnes intentions, il sera plus facile de surmonter les barrières physiques, sociales ou culturelles. Les projets énergétiques qui sont planifiés dès le départ dans l’optique de mieux répondre aux besoins futurs de la communauté, et dont les motivations sont bien comprises, sont moins susceptibles de se heurter à une opposition lors de la phase de planification. Ils sont aussi plus à même de générer un rendement de l’investissement social continu, en créant des communautés plus connectées, plus productives et plus résilientes aux chocs. C’est aussi un élément clé pour obtenir les permis et les approbations nécessaires à la construction et à l’exploitation de l’infrastructure.
Transformer l’opposition en occasions
Il ne sera pas facile de réduire l’opposition des communautés pour réaliser le « grand projet » des infrastructures d’énergies renouvelables, mais cela est à notre portée. Le volume et la rapidité du déploiement nécessaire pour soutenir la transition énergétique ne ressembleront à rien de ce que cette génération a connu. Les gens et les communautés doivent comprendre pourquoi ce changement doit avoir lieu, comment il se produira, quels en sont les avantages et les risques et, surtout, quel est leur rôle. Nous devrons travailler ensemble afin que la population connaisse le contexte et les informations nécessaires pour accepter le changement, plutôt que de s’y opposer activement. Cela exigera des messages cohérents et authentiques, une collaboration efficace et un engagement significatif à tous les niveaux – des grandes organisations internationales aux gouvernements locaux, et des entreprises énergétiques aux promoteurs de projets, dans le but d’aider les communautés à participer et à profiter de la transition vers un avenir carboneutre et vers l’avenir d’émissions nettes négatives qui lui succédera.
Il ne sera pas facile de réduire l’opposition des communautés pour réaliser le “grand projet” des infrastructures d’énergies renouvelables, mais cela est à notre portée.